Ne faut-il pas changer son fusil d'épaule?

« Jamais les jeunes qui se sentent si libres n’ont été aussi manipulés et pour tout dire exploités. »

Jean-Marie Pelt

 

Aujourd’hui certains jeunes reprochent à leurs parents de ne pas avoir été armés pour la vie, d'avoir fait d'eux des assistés ne serait-il pas temps de faire confiance aux jeunes, de leur dire qu'ils sont capables de maîtrise de soi, d'apprendre le respect, à devenir autonome, ne serait-il pas temps de donner des limites, un sens à la vie, ne serait-il pas temps de refuser la pensée consensuelle, la morale réduite à l'hygiénisme?

 

Nous faisons nôtres les pensées exprimées part le psychiatre T. Anatrella.[1] "Sans une éducation morale et spirituelle nécessaire pour acquérir une autonomie, sans les savoirs et la capacité de raisonnement pour structurer son intelligence, l'adolescent fera un consommateur parfait. Parviendra-t-il pour autant à devenir un être libre? ".1

« Au moment de l'adolescence, on veut savoir si on est capable de plaire à quelqu'un, mais aussi de concevoir des enfants. C'est en intégrant ce pouvoir qu'on accède à la maturité sexuelle. A partir du moment où on dit aux jeunes: "Attention, un enfant, c'est dangereux, c'est un risque", on leur tient un discours de négation et de mort sur une partie de leur sexualité.

J'ai reçu il y a peu une fille de dix-huit ans, enceinte, avec sa mère. Celle-ci voulait la faire avorter. Sa fille lui a dit: «Si tu m'obliges à avorter, tu me tues ».

Pour cette raison, les jeunes ont du mal à entendre ce discours, qui nie cette dimension procréatrice qui est en train de se mettre en place dans leur psychologie. Il représente l'enfant comme un danger dont il faut se prémunir techniquement, au lieu d'en appeler à la responsabilité des comportements. Plus l'enfant est ainsi exclu, nié, et plus l'irresponsabilité sexuelle est encouragée.

Au lieu de se rabattre sur des politiques d'urgence, superficielles et uniquement sanitaires, il faudrait en appeler à la responsabilité sexuelle. Et oser dire aux adolescents: "Vous n'êtes pas à l'âge où l'on commence à avoir des relations sexuelles. C'est une responsabilité que vous exercerez plus tard. En attendant, construisez-vous".

Cela les libérerait, car le conformisme sexuel ambiant qui prétend qu'il faut avoir des relations sexuelles à partir de quatorze ans si on ne veut pas passer pour un pauvre type est extrêmement puissant.

Il faudrait être bien conscient que les actes sexuels à l'adolescence ne permettent pas la structuration de la personnalité. L'adolescence est le moment où s'éveille et se développe la puissance sexuelle plus qu'elle n'a à s'exprimer en tant que telle. Quand elle s'exprime, elle s'exprime dans un climat d'émoi sexuel mais pas de relation amoureuse. L'adolescent peut éprouver des sentiments forts, mais n'a pas encore le sens de l'amour comme engagement vis-à-vis de l'autre.

La société a tort de valoriser ces relations précoces, qui télescopent des périodes d'identification, des périodes de maturation affective et sexuelle. Les personnes en subiront les conséquences une fois adultes: les relations affectives et sexuelles entre hommes et femmes seront plus compliquées. C'est l'une des raisons de la multiplication des divorces.

Les adolescents sont en train d'accéder à une condition sexuelle équivalente à celle des adultes sans qu'ils sachent en assumer les conséquences. Nous ne préparons donc pas des êtres responsables. La complaisance des adultes à l'égard des adolescents – qui va jusqu'à permettre à des jeunes de quatorze–quinze ans d'avoir des relations sexuelles sous le toit parental – ne les incite pas à quitter le douillet nid familial. On prolonge ainsi une enfance dont on a de plus en plus de mal à sortir, sans avoir le goût de l'effort ni le sens des responsabilités, et parfois sans pouvoir progresser, parce qu'on risque de s'arrêter là où on a goûté le premier plaisir.

L'éducation sexuelle devrait avoir pour objectif principal d'apprendre à se comprendre et à se contrôler, et non d'inciter sexuellement. On préparerait ainsi les jeunes à prendre davantage possession d'eux-mêmes, alors qu'ils ont tendance à s'évader.

Il faudrait pour cela qu'ils puissent trouver des adultes qui osent avoir un discours responsable qui les aide à se connaître et à se construire ».

 



[1] Spécialiste en psychiatrie sociale, Tony Anatrella est l‘auteur notamment, du « Sexe oublié » (Flammarion, 1990)