Médication lors de la grossesse

Automédication lors de la grossesse

Les causes médicamenteuses représenteraient de 4 à 5%, voire 10% ou plus, des cas de malformations fœtales dues à une exposition maternelle aux médicaments !

Si le risque médicamenteux pour le fœtus se situe principalement durant la période d’organogenèse soit entre le 35ème et 50ème jour après les dernières règles, il peut exister également des risques fœtaux graves quand le médicament est pris plus tard durant la grossesse.

Selon certaines études, près d’un quart des femmes enceintes s’auto-médicalise, à un moment de leur grossesse. Cette prise médicamenteuse est essentiellement effectuée pour soulager les maux de tête et les troubles digestifs. Plus d'une femme sur trois considérerait les anti-inflammatoires non stéroïdiens sans danger. L'utilisation de paracetamol (acetaminophen) durant la grossesse est, pour la progéniture, associée à une augmentation d'asthme, d'eczéma, de rhinite, de respiration sifflante, d'autisme, de désordres hyperkinétiques.

Si certains médicaments prescrits lors de la grossesse ne sont pas sans présenter des risques de malformation congénitale, il n’en demeure pas moins que toute automédication, par des médicaments en vente libre, peut présenter aussi des risques.

 

Prescription médicamenteuse lors de la grossesse

Certains médicaments ont des effets extrêmement toxiques sur la santé de la femme enceinte ou celle de l’enfant à naître. Or les effets indésirables des médicaments en cas de grossesse sont mal connus, avec peu de données disponibles. Certains de ces effets ne se révéleront que sur le long terme, voire le très long terme, sur des générations suivantes. Tel est la mise en garde de la revue médicale critique Prescrire. Son numéro 358 d’août 2013 est un numéro spécial de 80 pages qui doit aider les professionnels de la santé à mieux connaître et utiliser les médicaments chez les femmes enceintes ou susceptibles de l’être. C’est pourquoi Prescrire encourage, à juste titre, les médecins, les pharmaciens, les sages femmes, les infirmiers, mais aussi les femmes enceintes ou en âge de l’être, à connaître et à partager ce socle de connaissances. On peut espérer que le corps médico-pharmaceutique répondra favorablement à cet appel de Prescrire.

Voici quelques uns des principes que donne la revue pour éviter les effets indésirables chez l’enfant à naître exposé in utero à des médicaments :

1° L’ignorance des effets à long terme sur le développement de l’enfant incite à la prudence.
2° Grandes incertitudes et méconnaissance pour la plupart des médicaments.
3° Certains médicaments sont notoirement tératogènes ou fœto-toxiques.
4° Prudence chez toute femme enceinte ou qui pourrait le devenir bientôt.
5° Informer les patientes des dangers des médicaments durant la grossesse.

Pour en savoir plus  ainsi que le centre de référence sur les agents tératogènes.

  • Nous devons toujours garder en mémoire l’histoire de la Thalidomide. Ce médicament fut prescrit comme sédatif et pour les nausées ou vomissements lors la grossesse ; il a induit chez 10.000 nouveau-nés des malformations des membres. Cette histoire est riche en enseignements sur la difficulté à mettre en évidence l'effet tératogène d’un médicament car il  a fallu plusieurs années de prescription d’un médicament jugé anodin, inoffensif, et le suivi de milliers d’enfants nés avec des malformations majeures avant de mettre en évidence le risque tératogène de la thalidomide !
  • Concernant les analgésiques : l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : ibuprofène, diclofénac, kétoprofène… utilisés comme analgésiques doivent être éviter durant la grossesse. La prise d’aspirine et des AINS, au cours du premier trimestre de la grossesse expose à un risque de fausse couche et de malformation. Au cours de la 2ème partie de la grossesse, ils exposent le nouveau-né à un risque d’hypertension artérielle pulmonaire et  d’insuffisance rénale. Ces effets indésirables graves, parfois mortels, ont été rapportés avec des doses faibles, parfois pris par la mère pendant moins de trois jours. Au cours du 3ème trimestre [1]: hémorragies chez la mère, le fœtus et le nouveau-né. Pour Prescrire : pas d’AINS durant la grossesse quelque soit le terme.
  • Pour en savoir plus
  • Le paracétamol pris durant la grossesse serait  selon Prescrire sans danger pour l’enfant à naître(2). Mais, vous connaissez qu'il n'en est pas ainsi, comme nous l'avons énoncé en amont.
  • La prescription d’un antihistaminique H1, la Doxylamine est préconisée par Prescrire pour les nausées-vomissements modérés de la femme enceinte, bien que cette molécule n’a pas d’indication pour les nausées-vomissements ! La revue considère comme dangereux la Dompéridone durant la grossesse.[3]
  • Le gingembre est un antiémétique utilisé lors de la grossesse. Les femmes chinoises l’utilisent traditionnellement durant leur grossesse. Il aurait une efficacité modeste. On dispose seulement de deux études portant sur 300 femmes ayant pris du gingembre en début de grossesse, elles n’ont pas mis en évidence d’effet tératogène du gingembre.[4]
  • L’accupression du point Neigan (6MC), situé à la face antérieure du poignet, entraînerait une réduction des nausées, des vomissements.[5]
  • Chez de nombreuses femmes enceintes, on prescrirait des antidépresseurs, cependant un effet tératogène ne peut être exclu avec aucun antidépresseur.[6] Les  antidépresseurs, de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), comme la fluoxétine (Prozac), la paroxétine (Paxil) peuvent provoquer des anomalies congénitales (malformation cardiaque majeure)[7], des troubles de la coagulation, des saignements anormaux. [8] De plus ils sont associés à des risques accrus de pensée suicidaire ou d’homicide. [9] Le risque relatif des malformations cardiaques serait de 1,6 soit une augmentation de 60%.[10] Il aura fallu attendre une vingtaine d’années, pour qu’apparaissent les effets tératogènes, fœto-toxiques de ces antidépresseurs !
  • Les antidépresseurs, de la famille des IMAO comme la phénelzine, peuvent occasionner des malformations congénitales chez l’enfant en gestation.[11]
  • Pour les patientes enceintes constipées le médecin préconisera d’abord unealimentation riche en fibre végétale. Le son de blé est le laxatif de lest à privilégier durant la grossesse. Mais il faut éviter les spécialités contenant des laxatifs de lest associés à d’autres substances : méprobamate, sels d’aluminium ou avec d’autres laxatifs.[12]Il faut privilégier les médicaments à base de mucilage: Spagulax, mucilage pur
  • Les sédatifs, anxiolytiques, hypnotiques de la famille des benzodiazépines, bien qu’il n’ y a pas de contre-indication absolue, sont suspectés d’un effet tératogène avec des malformations crânio-faciales et au niveau du système nerveux central.
  • Il y a un effet tératogène avec les statines (famille de médicament qui diminue la cholestérolémie), il faudra donc faire attention, du fait que la pilule augmente le taux de cholestérol de la femme, à ce qu’elle ne se laisse traiter par des statines lors de sa grossesse.Les statines sont contre indiquées lors d'une grossesse.
  • Le Misoprostol, en raison de la puissante activité contractile qu'il impose au muscle utérin, ce médicament ne doit pas être prescrit pour le traitement des ulcères chez la femme enceinte ou qui pourrait l'être. En effet, des cas d'hémorragie et/ou de rupture utérine ont été constatés, ainsi que des morts fœtales et des malformations congénitales.[13].
  • Les décongestionnants vasoconstricteurs[14] utilisés dans les rhinopharingites sont à écarter en cas de grossesse car tératogènes et fœto-toxiques.[15]
  • Plusieurs médicaments peuvent aussi passer dans la semence de l’homme et de là intoxiquer le fœtus.

 

Prise médicamenteuse accidentelle lors de la grossesse

Comme mentionné en amont, la spécialité Roaccutaneà base d'isotrétinoïne, prescrite pour l’acné est tératogène.[16]

Environ 25 % des enfants exposés in utero à l'isotrétinoïne prise par voie orale au cours du premier trimestre de la grossesse sont atteints d'un syndrome polymalformatif associant des atteintes cranio-faciales, cardiaques et du système nerveux central. Chez la femme en âge de procréer, une contraception efficace doit être débutée un mois avant le traitement et poursuivie un mois après son arrêt.

Des malformations ont été observées aussi après application cutanée d’un rétinoïde : l’isotrétinoïde, l’acitrétine, l’alitrétinoïne, la trétinoïne, l’étrétinate.[17]L'étrétinate a comme indication le psoriasis mais s'accumule dans les tissus graisseux d'où il est progressivement libéré. Il est tératogène en raison de sa très longue demi-vie plasmatique (de l'ordre de cent jours.). Une femme devait attendre deux ans après l'arrêt de l'étrétinate avant toute conception car des malformations ont été rapportées chez des enfants ou des fœtus conçus jusqu’à 45 mois après son arrêt ![18]

Selon Prescrire, la commercialisation en France de cette molécule connue dès 1982 comme tératogène ne fut accompagnée d’aucune mesure de précaution particulièrement efficace, il aura fallu attendre près de trente ans pour que les autorités de santé pensent à une communication efficace pour les patientes ![19]

Les règles de prescription médicale et de délivrance pharmaceutique de l'isotrétinoïne sont aujourd’hui extrêmement strictes. Cependant, en France en 2008, une enquête relevait que 15 % seulement des patientes traitées par isotrétinoïne avaient bénéficié d'une stricte application de la règlementation : ordonnance conforme, information complète reçue et appliquée, délai respecté entre la prescription et la dispensation, et contraception effective.[20]

A retenir: éviter au maximum l'utilisation de médicaments durant la grossesse quelque soit leur forme ou leur voie d'administration,  les médicaments à usage externe (crème, onguent, gel) sont aussi concernés.



[1] Répertoire commenté des médicaments 2012 ; p : 242,257

[2] Prescrire 2013 ; Tome 33 N°351 ; page 45

[3] Prescrire 2013 ; 33((358) 595-597

[4] Prescrire  2013 ; 33 (358) 599

[5] Acupuncture et grossesse état des connaissances, 2010, groupe hospitalier bichat-Claude-Bernard

[6] Répertoire commenté des médicaments 2012 p : 301

[7] Répertoire commenté des médicaments 2012 p : 301

[8] C..lane ;« Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions »Flammarion 2009 p :196

[9] Breggen P.R. et G. S.Breggen Talking back to Prozac p. 138

[10] Prescrire 2006 ; 26(273)430-431.

[11] Le guide pratique des médicaments de l’âme. David Cohen. p :64 Ed. L’homme

[12] Prescrire 2013 :33 (358) 631

[13] Notice 2011 Pfizer ou Vidal

[14] Éphédrine, naphazoline , oxymétazoline, phényléphrine, pseudoéphédrine, etc

[15]Prescrire 2013 ; 33(358) 624

[16] Prescrire 2009 ; 29 (34) 107

[17] Prescrire 2005 ; 25 (258) 106-108

[18] Prescrire2013 ; 33 (358) 571

[19] Prescrire2013 ; 33(358) 569

[20] Prescrire 2009 ; 29 (34) 107